Rick Davies n’a jamais cherché la lumière. Pianiste, chanteur à la voix grave et posée, il incarnait l’enracinement de Supertramp, ce groupe britannique qui sut, dans les années 70 et 80, conjuguer l’exigence du rock progressif et l’accessibilité de la pop la plus fine. Sa disparition, à l’âge de 81 ans, tourne une page de l’histoire musicale : celle d’un collectif qui a su marquer plusieurs générations d’auditeurs, qui demeure incontournable et assez iconique d’une époque où le vinyle était roi.
L’histoire de Supertramp commence à Londres en 1969, quand Davies fonde le groupe avec Roger Hodgson. Les débuts sont hésitants, teintés d’expérimentations progressives dans l’air du temps (bien qu’à titre personnel, le premier album reste très réussi et injustement méconnu !). Mais dès Crime of the Century en 1974, tout se met en place : la complémentarité entre Davies et Hodgson, l’un plus terre à terre, bluesy, ancré dans le groove du piano électrique Wurlitzer, l’autre porté vers des mélodies aériennes et presque éthérées. Ce contraste, loin de les opposer, donne au groupe son identité.

Avec Crime of the Century, Supertramp signe son premier chef-d’œuvre. “School”, “Bloody Well Right” et surtout “Dreamer” annoncent une écriture à la fois ambitieuse et accessible. Le disque, produit avec soin, installe le groupe sur la scène internationale et devient rapidement un classique du rock des seventies. Pour beaucoup de collectionneurs, il s’agit encore aujourd’hui du vinyle à posséder en priorité : une œuvre dense, dramatique, où chaque instrument trouve sa place dans un espace sonore ample et travaillé.



Trois ans plus tard, Even in the Quietest Moments… témoigne d’une autre facette du groupe. On y entend davantage de retenue, de contemplation, comme si Supertramp cherchait à ralentir le tempo pour mieux respirer. La chanson titre, longue montée en intensité construite autour du piano et des arrangements de cordes, illustre à merveille cette volonté de bâtir des paysages sonores plus ouverts. C’est un disque de transition, souvent moins cité que ses voisins, mais qui éclaire de façon précieuse l’évolution de Davies et de Hodgson avant le grand tournant.
Ce tournant arrive en 1979 avec Breakfast in America. Le groupe y troque une partie de ses penchants progressifs pour une pop plus directe, calibrée pour les radios sans rien perdre de son élégance. “The Logical Song”, “Goodbye Stranger”, “Take the Long Way Home” deviennent instantanément des hymnes planétaires. L’album trône en tête des charts partout dans le monde et reste, à ce jour, le disque emblématique de Supertramp. Son succès colossal n’a jamais éclipsé sa qualité artistique : la richesse des arrangements et la chaleur des claviers prennent toute leur ampleur, rappelant que derrière les tubes se cache une écriture sophistiquée.



Après le départ de Hodgson en 1983, Rick Davies poursuit l’aventure avec une formation remodelée. Mais c’est bien dans la décennie précédente que le groupe a inscrit son nom au panthéon du rock. L’alchimie fragile entre deux compositeurs aux tempéraments opposés, l’attention maniaque portée au son, l’équilibre entre expérimentation et mélodies accrocheuses : tout cela explique pourquoi Supertramp demeure une référence et un passage obligé pour quiconque explore la grande discothèque des années 70.
Aujourd’hui, avec la disparition de Rick Davies, c’est la mémoire de cet architecte discret qui resurgit. Moins flamboyant que Hodgson, mais tout aussi essentiel, il a tenu la barre, façonné le son et offert au monde des chansons dont la résonance n’a pas faibli.
Niveau vinyle, il est à noter que la discographie de Supertramp est très accessible (voir la cote des vinyles de Supertramp). La plupart des albums se trouveront en bon état aux alentours de 10€ d’occasion, 15€ maximum, ça serait bien dommage de s’en priver !
