Il y a un demi-siècle, en septembre 1975, sortait Wish You Were Here. Cinquième album studio de Pink Floyd, il succède au monumental The Dark Side of the Moon, succès planétaire qui aurait pu écraser ses créateurs sous son poids. Au lieu de céder à la facilité, le groupe choisit d’affronter ses fantômes, de parler d’absence, de mémoire et d’industrie musicale. Résultat : un disque intemporel, devenu pour beaucoup l’une des œuvres les plus bouleversantes du rock.
Le poids de l’héritage et l’ombre de Syd Barrett
À l’époque, Pink Floyd est au sommet. The Dark Side of the Moon a transformé le groupe en phénomène mondial. Mais derrière le triomphe se cachent tensions et doutes. Comment rebondir après un tel succès ? La réponse, Roger Waters la trouve dans l’évocation d’un absent : Syd Barrett, fondateur du groupe, évincé quelques années plus tôt à cause de sa santé mentale fragile et de ses excès (voir le superbe documentaire en fin d’article sur Syd Barrett).
Cette ombre plane sur Wish You Were Here. L’album est hanté par sa figure, célébrée et pleurée dans l’immense suite “Shine On You Crazy Diamond”, qui ouvre et referme le disque. Un morceau construit comme un adieu, où la guitare de David Gilmour chante la mélancolie plus fort que les mots.
Une critique douce-amère de l’industrie
Au-delà du thème de l’absence, Wish You Were Here se fait aussi chronique acide du monde musical. Dans “Welcome to the Machine” et “Have a Cigar” (mon titre favori du disque, que je vous propose ci-dessous), Pink Floyd décrit avec cynisme la voracité des maisons de disques et le destin formaté des artistes. L’ironie de “Have a Cigar”, chanté par Roy Harper, en dit long : le groupe se moque d’un système qui le porte aux nues tout en le réduisant à une simple marchandise.
La ballade universelle
Et puis il y a la chanson-titre, “Wish You Were Here”. Sans doute l’une des compositions les plus connues et les plus émouvantes de Pink Floyd. Derrière sa simplicité apparente — une guitare acoustique, une mélodie limpide, quelques paroles à la sincérité désarmante — se cache un morceau universel, devenu hymne de l’amitié, du manque et de la mémoire. Un classique repris dans toutes les langues, fredonné bien au-delà du cercle des amateurs de rock progressif.
Un album culte
L’album, dès sa sortie, séduit autant par sa musique que par son habillage visuel. La pochette conçue par Storm Thorgerson et le collectif Hipgnosis, représentant deux hommes d’affaires dont l’un est en flammes, illustre à merveille l’idée de façade et de trahison dans le monde de l’industrie. Un visuel fort, qui a marqué durablement l’imaginaire collectif.
Écouter Wish You Were Here reste une expérience à part. Sa dynamique, ses respirations, la manière dont les morceaux s’enchaînent créent une continuité presque cinématographique. L’album n’a pas été conçu pour le zapping mais pour l’immersion totale — un voyage sonore qui prend toute sa dimension sur une platine.
Le saviez-vous ? Les premiers pressages de Wish You Were Here étaient scellés dans un sac plastique noir, comme vous le voyez sur la photo ci-dessus. Trouver un de ces pressages intacts et devenu rare aujourd’hui !
50 ans plus tard
Un demi-siècle après, Wish You Were Here demeure une pierre angulaire de l’histoire du rock. Plus intime que The Dark Side of the Moon, moins monumental que The Wall, il trouve sa place dans une zone singulière : celle de l’émotion pure, dépouillée de tout artifice. C’est sans doute ce qui explique sa longévité.
En 2025, célébrer ses 50 ans, c’est rappeler que la musique peut être à la fois une œuvre d’art, une confession intime et un miroir de son époque. Pink Floyd, en exorcisant ses fantômes et en dénonçant son industrie, a offert un disque d’une humanité bouleversante. Et si vous sortez aujourd’hui le vinyle de sa pochette, que vous posiez l’aiguille sur les sillons, vous comprendrez vite pourquoi ce classique traverse les générations sans perdre une once de sa puissance.
